Le problème avec une bière comme l’Orval qui est connue dans le monde entier et qui jouit d’une réputation plus qu’enviable, c’est qu’il est difficile d’avoir un avis objectif. La seule solution ? La dégustation à l’aveugle.

Premier test – avec un amateur
Pour la première dégustation à l’aveugle, j’ai proposé une série de trois bières incluant un Orval et deux bières de la brasserie suédoise Beerbliotek. La Pale Ale de style américain nommée Moment of Clarity et une Double IPA Satsumas for Boomers. La première est une APA de très bonne composition avec des houblons américains aromatiques mais tout de même assez légers. Un goût relativement faible mais plutôt bien équilibré. La seconde n’est par contre pas équilibrée. C’est une I2PA aux arômes forts marqués mais à l’alcool trop présent. Pour ce qui est du « cobaye », il s’agit d’un individu lambda qui a évidemment déjà eu l’occasion de goûter de l’Orval et d’autres styles de bières (souvent de type belge mais parfois étrangers et plus avant-gardistes) mais qui n’est pas nécessairement en mesure d’identifier chaque style de bière.
Lors de la dégustation, et alors que l’individu est fondamentalement habitué à des bières de type belge, il désigne à l’aveugle l’Orval comme la plus mauvaise des bières proposées, allant jusqu’à lui donner une note de 5/10. Il retient les arômes puissants de l’I2PA suédoise (qu’il classe en premier avec une note de 8/10) et reconnaît que la Moment of Clarity est assez drinkable. Surprise bien évidemment totale lorsqu’il découvre que la bière qu’il a classé en dernière position est cette trappiste qu’il considèrait jusque là comme une des meilleurs bières au monde.

Second test – avec un connaisseur
Dans ce second test avec quelqu’un qui a l’habitude de boire de la bière, et bien souvent des créations artisanales issues de brasseries souvent innovantes, je présente un panel constitué de ce fameux Orval, d’une Belgian Pale Ale basique en la personne d’une Tongerlo Lux et d’une Pale Ale américaine très correcte, soit la Foggy de la brasserie française Hoppy Road. Le trio est beaucoup plus homogène sur le papier, on a deux Belgian Pale Ale (l’Orval et une bière qui a été considéré par le World Beer Award comme la meilleure de sa catégorie il y a quelques années) et une American Pale Ale dans la norme.
Après cette dégustation à l’aveugle, le constat est assez clair : aucune des bières dégustées n’a le niveau pour venir s’imposer dans la catégorie des 90+. Hormis la Tongerlo Lux qui est rapidement identifiée comme une Belgian Pale Ale assez moyenne, les deux bières restantes sont évaluées toutes deux à une note globale de B. La Foggy est louée pour ses arômes aromatiques de houblons fruités. Une bonne bière facile à boire et aux saveurs cohérentes mais sans plus. Bien qu’elle soit décrite comme une bière bonne, le dégustateur n’est pas aussi emballé que moi qui y voit là une APA de qualité supérieure. Mais il la classe première sur les trois bières dégustées. L’Orval arrive seconde. Le dégustateur explique qu’il en a déjà goûté, qu’il reconnaît le goût mais qu’il ne peut donner précisément un nom. Il lui donne tout de même une note correcte mais aucunement stratosphèrique. Après révélation des bières dégustées, il explique, de manière tout a fait transparente, qu’il aurait certainement donné une note plus élevée s’il avait su que c’était de l’Orval.
Cette expérience, même effectuée à l’échelle microscopique, aura permis de mettre en évidence deux choses : d’une part, à l’aveugle, l’Orval n’est jamais considérée comme une bière exceptionnelle mais comme quelque chose de bon ; d’autre part, la réputation de la bière et l’aura un peu mystique qui l’entoure joue un rôle important dans l’overrating permanent dont jouit cette bière trappiste.